"Destins exceptionnels" est une série d'articles dressant le portrait de figures de l'aviation ayant marqué la grande histoire de l'aviation.
Nicholas Alkemade et Alan Magee sont deux mitrailleurs, le premier étant anglais et le second, américain qui étaient membres d’équipages de bombardiers pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils ont connu des destins similaires et absolument exceptionnels. Vous allez comprendre pourquoi.
Nicholas Alkemade :
Nicholas Alkemade est né en 1922, à Loughborough, en Angleterre. Vers l’âge de 20 ans, il fut engagé comme sergent mitrailleur dans la Royal Air Force. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il réalisa des missions sur les bombardiers de nuit Avro Lancaster.
Le 23 mars 1944, il s’envola, avec tout l’équipage, sur le bombardier "S for Sugar"; direction Berlin. Ils étaient 300 appareils en formation, pour aller détruire les infrastructures de la capitale du IIIème Reich. Ces missions de nuit étaient très risquées, et beaucoup d’avions ne revenaient pas.
Nicholas Alkemade était mitrailleur de queue : c’était sa treizième mission. Après avoir largué ses deux tonnes de bombes explosives et ses trois tonnes de bombes incendiaires, le bombardier prit la direction du retour.
C’est alors qu’un chasseur de nuit Allemand de type Junkers Ju-88 attaqua le bombardier. Il mitrailla l’avion par l’arrière. Le plexiglas de la tourelle, où se trouvait Nicholas Alkemade, fut perforé. Celui-ci répliqua et parvint à faire exploser le moteur droit du bimoteur de la Luftwaffe. Sa joie fut de courte durée, car le bombardier à bord duquel il se trouvait, étant en feu, il dut mettre son parachute pour sauter.
Malheureusement, l'objet de son salut était lui-même en feu. Que faire ? Mourir dans les flammes ou sauter dans le vide, sans parachute… Il choisit de sauter, en tournant sa tourelle et en se précipitant dans la nuit glacée. L’avion était alors à 5 600 mètres d’altitude.
Après le vacarme que faisait l’avion, il trouva presque agréable de chuter dans le silence de la nuit. A cette altitude, le corps humain tombe à 200 km/h. Il se dit qu’il valait mieux mourir ainsi. Il lui a semblé tomber la tête la première. Bien sûr, l’issue ne pouvait qu’être fatale… Ayant perdu connaissance, il ne se rendit plus compte de rien. C’est alors, après un long moment, qu'il rouvrit les yeux et, apercevant le ciel étoilé, incrédule, il se dit : "Jesus Christ, I’am alive… "
Son corps était transpercé de branches, son cuir chevelu était gravement touché, il avait des fractures, mais il était en vie. L’explication tient au fait c’est que son corps est tombé dans une forêt de sapins très denses. Les branches entremêlées ont freiné sa chute. Puis, il est finalement tombé dans une neige profonde. Il réussit à sortir de la forêt, mais fut rapidement capturé par la Gestapo. Les Allemands le prirent pour un espion, ne pouvant pas croire son récit. Finalement, après avoir retrouvé les vestiges du bombardier, dans lequel tous les autres membres d’équipage étaient morts, ils identifièrent les preuves de sa présence à bord de l’avion.
Nicholas Alkemade restera dans un camp de prisonniers jusqu’à la fin de la guerre. Revenu en Grande Bretagne, il devint célèbre après avoir raconté son histoire. Il travailla par la suite comme ouvrier dans une usine de produits chimiques. Il est décédé en Cornouaille en 1987, à l’age de 64 ans. Il est toujours considéré comme un héros de l'aviation britannique.
Alan Magee :
Alan Magee est un Américain, né en 1919 dans le New Jersey. Il a rejoint l’US Air Force, juste après l’attaque de Pearl Harbor en décembre 1941. Etant de petite taille, il fut assigné au poste de mitrailleur, dans la tourelle sphérique ventrale, placée sous les bombardiers Boeing B-17 "Flying Fortress".
C’est sur la vie de ces pilotes et de ces équipages de bombardiers B-17 , qu’est basée l’histoire du film "Memphis Belle" réalisé par Michael Caton-Jones et sorti en 1990.
L’avion d’Alan Magee s’appelait "Snap ! Crackel ! Pop !", en référence à une publicité de la firme Kellogg’s. Le 3 janvier 1943, il décolla de sa base en Angleterre. Il faisait partie d’un groupe de soixante dix-sept bombardiers B-17, accompagnés de douze bombardiers B-24, escortés par seize avions de chasse américains.
Destination : Saint-Nazaire. Cette ville était une base très importante de sous-marins allemands, très agressifs contre les transports maritimes alliés, dans l’Atlantique. Des informations avaient indiqué que les Allemands faisaient des travaux et que cela était une opportunité pour détruire les stocks de torpilles.
Arrivés au dessus de Saint-Nazaire, les avions durent subir les tirs très efficaces de la Flak, la défense antiaérienne allemande. Un obus, tiré sur son avion, bloqua sa tourelle et le blessa dans son habitacle très exigu. En voulant prendre son parachute, au-dessus de lui, il s’aperçut qu’il avait été déchiré par l’obus et qu’il était inutilisable. Tant que l’avion volait, cela n’était pas un problème trop grave. Malheureusement, la Flak toucha de nouveau le bombardier et arracha une partie de son aile droite. Celui-ci partit dans une vrille incontrôlable. On peut difficilement imaginer l’angoisse que vivaient ces équipages de bombardiers, quand ils étaient touchés.
Alan Magee, qui se déplaçait alors vers le poste du "radio", fut éjecté de l’avion par un trou dans la carlingue. L’avion se trouvait à 6 500 mètres d’altitude. Très vite, dans sa chute, le manque d’oxygène lui fit perdre connaissance. Après une chute à 200 km/h, son corps s’écrasa sur la gare de Saint-Nazaire. Mais, avant de toucher le sol, il traversa la verrière supérieure de la gare.
Lorsque les secouristes allemands arrivèrent dans la gare, ils le découvrirent parmi les gravas. Et, à leur plus grande stupéfaction, il n’était pas mort ! Il avait vingt-huit blessures par shrapnel (éclats d'obus) dans le corps et de nombreux os cassés, le visage tuméfié et des lésions pulmonaires et rénales. Son bras droit était presque sectionné.
Il se souvient qu’il avait repris connaissance, en voyant les secouristes penchés au-dessus de lui. Son bombardier était allé s’écraser à proximité de La Baule. Seuls deux membres d’équipage survécurent après avoir sauté en parachute, sur les neufs qui étaient restés à bord.
C’est avant tout la combinaison épaisse, prévue pour résister au grand froid dans la tourelle, qui a sauvé Alan Magee. Elle a sans doute amorti le choc. Mais c’est surtout le fait d’être passé à travers la verrière de la gare qui a ralenti sa chute in extremis. Le chirurgien allemand fit tout ce qui était nécessaire pour qu’il survive. Il finira la guerre dans un camp de prisonniers en Autriche.
Après le conflit, Alan Magee passa son brevet de pilote d’avion et travailla dans l’industrie aéronautique jusqu’en 1979. En 1993, la ville de Saint-Nazaire érigea un monument en son honneur et celui du reste de l’équipage. La ville de La Baule fit de même, en 1995. Alan Magee est décédé en 2003 au Texas, à l’age de 84 ans.
A propos de l'auteur :
Né à Avrillé en 1958, Michel Leclerc a usé ses fonds de culottes à l’aérodrome d’Angers, où il assiste aux Coupes d’Europe vélivoles, aux Rallyes des vins d’Anjou et aux premières Coupes d’Anjou de voltige aérienne. Formé au vol en planeur en 1976, ses études aux Arts & Métiers et le début de sa carrière professionnelle l’éloignent du pilotage. Il y revient une décennie plus tard, en passant sa licence de pilote privé à Lognes. Sa carrière dans l’exploitation pétrolière le mène à beaucoup voyager et voler, cette fois en tant que passager des gros porteurs et à bord des hélicoptères qui l’acheminent sur les plateformes offshore. Sa passion pour l’aviation et son histoire n’a pas faiblit avec les années et Michel écume toujours les meetings aériens, tout en volant à l’occasion sur avions légers.
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